Basse, slap & funk : Made In Pilichowski

Un soir, à la zonzon. Pauvre hère délaissé par son colocataire en vadrouille, je décidai de combler l’insoutenable silence de l’appartement par quelque saturation de l’espace acoustique. Devant mes yeux affamés de bruit, trois piles de compact disc, une chaîne hifi. Du bon son définitivement rock. Contemplant cet autel des béatitudes, j’entamai la spéléologie avec précaution. Les Marilyn Manson, Limp Bizkit, Megadeath, Lostprophets, Linkin Park, Placebo & Co défilèrent dans mes mains fébriles jusqu’à… l’illumination. Je tombai sur un parfait inconnu à mon bataillon :

PILICHOWSKI

Un nom aux – très – légères consonances slavo-polonaises (comprendre : à coucher dehors), une jaquette probablement éditée sur paint… Et pourtant, mon oreille avide de nouveauté me susurrait doucement à elle-même : « Ben allez tente. T’as rien à perdre. » Et hop, j’étais parti pour m’écouter le « Live Satyrblues Festival ».

NB : je ne sais pas de quel live est tirée cette vidéo, le morceau est en tout cas similaire à celui du CD.

Le premier morceau « Po Lekcjach » attaque en beauté avec une longue intro spéciale percus de près de deux minutes. On se sent tout petit au rythme de ces tambours quasi militaires, plus encore quand retentit gravement un cor digne du gouffre de Helm. Une pluie de baguettes sur quelques peaux de chèvre synthétiques plus tard, la batterie s’immisce dans la partie. Très vite, les tambours se taisent : basse, guitare et synthé prennent le relais sur fond de batterie à la cadence ultra dynamique, dont les cymbales et le charleston bien dosés laissent tout le loisir aux toms et à la grosse caisse d’exprimer leur sourd battement. Je suis pris, je suis conquis. Sur un air de gratte et de synthé kitsch, digne de séries télé des 90’s, mon corps se meut de lui même, emporté par une musique funky à souhait. Impossible de ne pas se dandiner. Ajoutons bien sûr la présence incontournable de la basse (normal, Pilichowski est bassiste) qui fait bien plaisir, cet instrument étant parfois très – voire trop – ignoré. Au final, ce morceau d’intro n’a qu’un défaut pour nous pauvres français : un titre imprononçable !

Mais le show, le vrai, celui qui nous met en osmose avec notre karma rock n’ roll, commence réellement à la 4è piste intitulée « Nowe Buty ».

On délaisse un peu le funk pour une amorce bien plus rock : gros son de basse comme on les aime, charleston insistant et quelques riffs de guitare arrivant dès la première minute. S’insèrent parfois des sonorités funky visiblement inévitables chez Pilichowski, dans la partoche du synthé surtout. Enfin, le morceau termine en beauté, entrecoupé de quelques mini solos de batterie bien excités sur les trois dernières minutes. Un régal !

Le reste de ce CD live baigne dans un rock funk assez dynamique. Un style qu’il faut aimer bien sûr, mais même sans en être amoureux, la technique de ce bassiste a de quoi vous scotcher. Le morceau « Western Grochów » propose un solo de basse impressionnant de près de 4 minutes (vidéo plus courte et de piètre qualité, mais ça n’empêche pas d’apprécier le talent de l’artiste).

« Vous avez la lèpre ? Non, j’ai joué Pilichowski… »

Pilichowski, c’est donc aussi de la perf’ pure et dure à la basse. Il utilise une méthode de slap (jeu frappé) légèrement agressive, parfois carrément affolante dans sa rapidité d’exécution, d’où la protection qu’il se met autour du pouce : vous allez voir qu’à cette vitesse, il perdrait ses doigts en trois morceaux. En témoignent les deux vidéos suivantes, spécialement choisies pour vous. Accrochez-vous à vos slips (et à vos slaps, ahah !), ce bassiste est un monstre.

Alors ? Convaincus ? Moi oui. Grand appréciateur de basse/contre-basse, je suis en extase à l’écoute de ce bassiste polonais hors norme. Pilichowsky, c’est pour moi un concentré de battements de cœur incontrôlables qui s’écoute comme des petits pains. Grand appréciateur de funk également, je ne peux qu’être charmé par ce style unique, dont le kitsch occasionnel ne parvient pas à me décourager.

Pour celles et ceux que ça intéresse, allez faire un tour sur le site officiel de l’artiste, vous aurez l’occasion d’y glaner quelques informations supplémentaires.

 Nicolas Thf